Génèse

Partir en Australie à pied. Sourires quasi-systématiques, encouragements souvent, incompréhension parfois, discussion toujours. L’histoire du pourquoi, celle que l’on raconte, est celle-ci. Chapitrée, à peine romancée.

Février 2010. Avant-goût /

Le semestre de cours qui se termine seulement s’est révélé éprouvant ; le taux de satisfaction final, extrêmement élevé, nous donne l’impulsion nécessaire à la réalisation ce qui a constitué le gros de nos discussions hivernales : un road-trip. Oui, nous prenons la route, en voiture cette fois-ci, pour un voyage itinérant de 5000 kilomètres à travers l’Europe. Quatre semaines de vacances, privilège estudiantin, pour découvrir ou redécouvrir Lyon, Turin, Milan, Vienne, Prague, Berlin, Amsterdam et Bruxelles. Le plus gros du budget est consacré à alimenter la quatre roues carossée qui nous trimballe. Kuba, Diana, Yocha, Viviane pour ne citer qu’eux nous font l’honneur de leurs toits et du partage de leurs quotidiens respectifs. Certains sont des connaissances de connaissances au septième degré, d’autres sont issus d’un site internet - couchsurfing pour ne pas le nommer. Première expérience commune pour quelques constats : « se risquer » sur les routes glacées autrichiennes n’a rien de risqué, TV5 Monde n’usurpe pas sa dénomination, un breton et un vendéen n’aiment pas les mêmes fromages mais peuvent s’entendre à merveille. Génial de simplicité, riche de rencontres, évidemment : voyage.




Novembre 2010. PULL ! [pul] /

Notre décision est prise. Chacun d’entre-nous mettra ses études entre parenthèses pendant un an, direction l’Australie. Le pays est anglophone, lointain, insulaire, gigantesque, a priori facile lorsqu’il s’agit d’y trouver un travail ; idéal à nos yeux gourmands et jambes engourdies. Ceci étant, il n’est pas question de s’y rendre ensemble, quitte à se retrouver, ponctuellement, au croisement de nos itinéraires respectifs. Si nos objectifs sont pluriels, parler anglais
couramment à notre retour constitue une de nos motivations principales. L’idée de s’y rendre seuls nous apparaît alors comme la plus fertile, la plus en phase avec ce que nous attendons d’une telle expérience. Il ne s’agit pas d’en faire un motif de crédibilité factice mais véritable matière à nourrir notre cursus universitaire, et au-delà, à nous donner du recul quant à la
manière de mener nos vies, en s’offrant de cotoyer l’inconnu à la recherche de nos aspirations réelles.


Janvier 2010. Grand 1_petit a. ET SI J’ ... /

... allais en vélo en Chine? Pensée furtive que celle-ci, totalement déconnectée du projet
australien, qui traverse l‘esprit de l’un d’entre-nous. C’est loin la Chine. Y aller à vélo constitue un challenge. Même pour des membres de la génération playstation, ça motive, stimule, éveille ou inspire. Au choix, ou les quatre à la fois. Les jambes s’y feront. Viens la question du quand. Aucune idée.


Janvier 2010. Grand 1_petit b. SYNTHESE /

Les jours passent, l’intention n’est pas caduque puisque toujours ancrée dans la case 
« projets totalement déraisonnables mais diablement attirants ». Il n’est pas trop tard pour avoir une inspiration divine - ou simplement entrevoir l’évidence pour les rabat-joie : l’Australie se substitue à la Chine qui devient étape de choix dans un parcours incluant
désormais l’Asie du sud-est. Deux arguments notoires appuient cette modification. Le  premier est hautement symbolique : le drapeau australien compte six étoiles quand le drapeau chinois en présente une de moins - si c’est comme à la coupe du monde de foot, plus il y a d’étoiles, mieux c’est. Le second, autrement plus noble, relève de besoins personnels de savoir : il y a la mer au Cambodge, Myanmar n’est autre que la Birmanie, la territoire anonyme à l’ouest de cette même Birmanie est indien - liste non exhaustive de carences mises à nu à la simple consultation d’une carte. Imaginons l’étendue des autres.


Janvier 2011. Grand 2_petit a. J&A . COME-BACK /

Nous déjeunons ensemble, un de ces midis où 14 heures rime avec reprise des cours. Pamplemousse en entrée, incontournable en « resto u » pour les frugivores, puis poulet peut-être. Peut-être pas. L’envie soudaine de cyclotourisme à grande échelle arrive aux oreilles de l’autre. Son enthousiasme est manifeste. A peine théâtralisé pour les besoins en funitude du paragraphe - nous admettrons le néologisme - ça donne ça : « et si nous nous expatrions en duo jusqu’au pays du kangourou ?! ». Février réapparaît en toile de fond, souvenir souriant d’une complicité et d’une compatibilité idéologique avérées en termes de vagabondage balisé. Partir à deux apporte une sécurité que nous imaginons appréciable dans certaines régions du monde. Arrive le dessert. C’est décidé, nous partons ensemble. A l’unanimité.

Janvier 2011. Grand 2_petit b. AINSI EST né MASTER 1 EN 20000 KM /

Si le dessein du voyage échappe à de nouvelles mues, rapidement est soulevée la question du véhicule, ou plus précisément le « problème » vélo. Considérons un rythme moyen extrêmement flatteur de 60 kilomètres par jour ; divisons 20000 par 60 et rendons-nous compte qu’il faut 333,33 - synonyme d’une arrivée probable en fin de matinée - levers et couchers de soleil successifs pour rejoindre Sydney. Ajoutons le fait que nous disposerons de 10 mois en tout et pour tout, qu’un vélo ne peut pas traverser le Pacifique clandestinement, que prévenir son vol risque de constituer une préoccupation permanente, et abandonnons définitivement l’idée. Nous nous déplacerons à pied, userons du stop, ou à défaut de réussir à inspirer la sympathie, à émouvoir les plus tendres ou à convaincre les plus coriaces, nous prendrons le train, le car, ou tout autre moyen de transport socialisable et bon marché. Ainsi est né, sous sa version la plus récente, 20000 bornes sur la terre.





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