Lumbini- Fatehpur Sikri : 7 jours



VARANASI

Situation géographique relative : à environ 250 kilomètres au sud de la frontière avec le Népal, soit 11 heures d’un bus abandonné par l’ensemble du corps des mécaniciens, peu avare de décibels, menacé d’un divorce imminent par son pare-brise.
Raison de notre passage : poursuivre notre voyage initiatique à versants religieux entamé à Katmandou.
Une couleur : le dégradé grisonnant du lever du soleil sur le Gange, de l’anthracite huileux et tacheté d’orange du fleuve fleuri de manière sporadique à l’opale de l’épaisse brume effaçant la ligne d’horizon.
Une odeur : celle qui nous fait retenir notre respiration aux détours de ruelles-poubelles plus négligées que la moyenne, métissage pestilentiel d’excréments, de plaies non soignées et de déchets ménagers quasi-centenaires.
Un son : celui de l’eau, aux aurores, caressée par le mouvement discret des rames de l’embarcation qui, accompagnant les premières prières et mouvements aquatiques, nous fait glisser le long des berges marquées par plusieurs décennies de crémations.
Une saveur : celle de la pomme de terre épicée des samosas, enrobée d’une pyramide de pâte croustillante, jurant avec la notion d’équilibre alimentaire mais synonyme d’un premier achat indien réussi et d’une adoption unanime.
Pourquoi y retourner : Varanasi a trop de choses à dire pour que deux jours suffisent à tout entendre.
Pourquoi ne pas y retourner : n’ayant pas soutenu financièrement le sadhu-homme d’affaires plutôt louche prénommé Baba Naganath Yogeswar Maharaj, nous redoutons les représailles.
Note finale et appréciation : 16/20, pour la concentration d’humanité sous ses formes les plus extrêmes, vivante et cadavérique à la fois, qui imprègne chaque centimètre cube de béton, chaque centilitre d’eau, chaque centimètre carré de peau couleur bronze jusqu’à vous toucher au cœur.

















AGRA
Situation géographique relative : à environ 300 kilomètres à l’ouest de Varanasi, soit 10 heures d’une nuit modeste, aérienne mais confortable, endormis profondément sur les couchettes du haut d’un train en retard de deux heures.
Raison de notre passage : Prendre la pose devant le Taj-Mahal et pouvoir, en 2031, fouiller dans nos archives numériques poussiéreuses pour pouvoir prouver à notre progéniture que papa s’est fait photographier devant le bâtiment blanc, si irréel, qui occupe la pleine page 145 de son livre d’histoire.
Une couleur : le blanc, pour la raison évidente que vous connaissez.
Une odeur : celles de nos chaussettes, éparpillées aux quatre coins de notre chambre d’hôtel d’alors, orphelines du savon de Marseille et du bébé brosse depuis trop longtemps.
Un son : les cris égosillés des gardes en uniforme désabusés, chargés d’assurer une circulation fluide et rythmée à l’intérieur de l’édifice pour que chaque membre de la foule infinie et déchaussée se rende compte que la magie du lieu n’opère qu’à l’extérieur.
Une saveur : celle, apparue dans nos palets sans préméditation, d’une salade de fruits de notre propre composition et servie à volonté, dans une cérémonie de mariage où nous sommes invités au hasard d’une chasse au distributeur nocturne, témoins interloqués de l’existence d’une classe d’indiens pleine aux as et tape-à-l’œil.

Pourquoi y retourner : la gratuité du tuk-tuk, à la condition d’errer dans une ou deux boutiques et de faire de l’esbroufe pendant un quart d’heure pour que le conducteur se rémunère de commissions systématiques.
Pourquoi ne pas y retouner : le fait que bien que volontaires motivés à la pratique du tuk-tuk gratuit, nous nous faisons avoir, rentrant à l’hôtel lestés de thé et d’encens acquis à des tarifs ajustés à notre condition d’occidentaux excités par l’exotisme de nouvelles senteurs, sans même s’en rendre compte.
Note finale et appréciation : 13/20, car au-delà des premières secondes magiques de découverte de son emblématique monument, Agra est une grande ville quelconque.









FATHEPUR SIKRI
Situation géographique relative : à environ 50 kilomètres au sud d’Agra, soit 1 heure d’un bus direct et sans fourberies, hormis une horaire de départ changeant au gré des interlocuteurs.
Raison de notre visite : rentabiliser notre présence en cet endroit du monde, suivant les recommandations de monsieur lonely.

Une couleur : l’ocre rougeoyant de la terre, de la pierre, et de l’architecture née de celles-ci, monochromatique, dentelée et majestueuse.
Une odeur : celle de la sueur des bâtisseurs, dont l’écoulement abondant et révolu est suggéré par la précision et la quantité des détails associés à l’aridité de l’endroit, dépourvu de végétation et exposé aux rayons assommant du soleil.
Un son : les voix enfantines, fluettes mais assurées, qui nous proposent de l’argent en échange de nos billets utilisés, pour les revendre, bien que désormais orphelins de leur partie détachable, à des touristes négligents.
Une saveur : celle de cette boisson gazéifiée inventée outre-Atlantique en 1886 par un pharmacien inspiré, plus accessible dans certaines zones du globe que l’eau potable, accueillie comme salvatrice par nos gosiers asséchés à la sortie du palais.
Pourquoi y retourner : converser avec les innombrables écureuils dans leur langage à eux appris pour l’occasion, et ainsi profiter de leurs connaissances de gardiens des lieux.
Pourquoi ne pas y retourner : parler correctement le langage de l’écureuil, même après d’innombrables semestres d’apprentissage, paraît suffisamment improbable pour oublier l’idée.
Note finale et appréciation : 12/20, car en l’absence de quelque feuillage faiseurs d’ombre, la pratique des espaces devient aussi éprouvante que la série d’abdominaux du soir de John.










3 commentaires:

  1. Bonjour vous 2 =)
    Trois belles parties, qui nous montrent bien un certain charme de la vie mais qui est vite rattrapé par la pauvreté.
    Gros bisous et au prochain bout de chemin. ;)
    Elodie

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  2. Dommage pour le Taj-Mahal qui perd un peu de son aura, mais on pouvait se douter que le tourisme a gacher un peu le charme
    bonne route les copains!
    la colloc

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